Voyage en Laponie Finlandaise

Raid dans les Paistunturi
 

Jeudi 22 mars : Ruktajärvi - Njavgoaivi (Carte)

Cette nuit, nous avons ressenti le froid et avons dû nous recouvrir.
En effet, lorsque je me lève à sept heures, le thermomètre intérieur qui indique cinq degrés confirme cette impression. Celui de l'extérieur judicieusement placé près de la fenêtre permet de constater qu'il fait moins quatorze dehors.
Le temps de prendre le petit déjeuner, la température est remontée à moins huit degrés et les premiers nuages pointent à l'horizon.
Ici, le temps change très vite et lorsque nous quittons le refuge vers neuf heures, la température n'est plus que de moins quatre et les premiers flocons commencent à tomber. L'hiver a du mal à résister au printemps.

Les nombreuses traces de motoneige suivent la Kevojoki vers le nord-est. Nous partons plus au nord et suivons la direction de Njavgoaivi mentionnée par le panneau indicateur et confirmée par les pointillés représentant le chemin sur ma carte.
Mais il n'y a aucune trace récente et nous peinons un peu, c'est un euphémisme, à trouver de la neige portante pour gravir la pente et rejoindre le plateau. Dans ces conditions, je ne peux pas compter sur l'aide des chiens pour hisser la lourde pulka qui contient leurs huit kilos de croquettes. 
Bon d'accord, il y a aussi un litre d'apéro et les graines qui vont avec, ainsi que trois kilos de confiture. Le plaisir n'a pas un prix, mais un poids ! 

Nous galérons durant plus d'une heure avant de pouvoir enfin progresser normalement (2,5 km parcourus alors que nous n'avons fait que 500 m à vol d'oiseau et seulement 30 m de dénivelé gravis). Sur ce coup là, je n'ai pas été bon : à mieux regarder la carte et la configuration du terrain, j'aurais dû rapidement en déduire que l'itinéraire, indiqué (panneau et carte) était valable pour l'été mais qu'en hiver il valait mieux rebrousser chemin sur le lac puis remonter un affluent.


Heureusement le kilomètre suivant et les cinquante derniers mètres de dénivelé menant sur le plateau sont avalés en quinze minutes. Ensuite, sur la neige soufflée et même avec une visibilité qui se dégrade, la progression est facile.

Malgré le départ calamiteux nous arrivons au refuge pour midi.

Le secteur semble souvent venté et peu fréquenté si bien que le local à bois nous réserve de petites surprises.
 
 


Dégager la porte,


l'ouvrir,


et pelleter encore !

Longueur étape 7,9 Durée de l'étape 2h25 Durée hors pauses 2h00 Dénivelé positif +105
Altitude de départ 325 Altitude maxi 425 Altitude d'arrivée 380 Dénivelé négatif -50

 

Comme vous pouvez le deviner, une fois le repas pris, je décide d'aller me dégourdir les spatules et ce malgré le mauvais temps. Oui, je sais, je suis un peu fada, mais j'ai la pêche et je me dis que ça ne durera plus des années... Alors autant en profiter.
L'objectif est d'aller voir ce fameux canyon de Kevo (12 km à vol d'oiseau). On nous a dit qu'il était très difficile d'y descendre en hiver et encore plus de le parcourir par le fond. Je suis curieux de savoir si c'est vrai.
Fada, je le suis certainement, mais un fada prudent qui emporte de quoi bivouaquer au cas où. 


 
Libéré de la pulka le ski redevient facile et je profite de la glisse à chaque mouvement alternatif.
Sans les chiens, l'approche d'un troupeau de rennes n'est pas signe de grande agitation.
Et tant que j'y suis, j'avoue que sans Sylvie à rassurer sur la distance restante et l'heure prévue d'arrivée, j'ai l'esprit libre.

J'apprécie la solitude mais comme Sylvain Tesson dans sa cabane, je regrette ne n'avoir personne à qui le dire...
 

Pour compenser, le solitaire personnifie souvent des objets et s'en fait des amis. Dans mon cas aujourd"hui, je salue et remercie les rares arbres rencontrés qui m'aident à tenir mon cap.


Arrivé au bord de l'imposant canyon, profond d'une centaine de mètres, je cherche une solution pour y descendre.
Je m'engage dans un petit vallon affluent. Hélas, il se resserre petit à petit en même temps que sa pente s'accentue. Je pourrais continuer sans prendre trop de risque mais il y a peu de chance que je parvienne à remonter par le même chemin. Je dois rester raisonnable et ne descendre que si je suis certain de pouvoir remonter.
Je fais donc demi-tour tant que cela est possible et vais tenter ma chance plus loin.
 

Une autre tentative se solde de la même façon. Le temps passe, je devrais renoncer mais c'est contraire à ma nature... Je me contrains en fixant une buttée à 17 heures.


 
Vers l'aval, ma carte indique un affluent nettement plus conséquent que j'atteins dix minutes avant l'ultimatum que je me suis fixé !
J'aperçois des escaliers (enfuis sous la neige) et au fond une "Turf Hut". Je vais tenter la descente à skis par l'arête à droite et pense pouvoir m'aider de la rampe des escaliers pour remonter.
 
 
 

   
 
Avec des chaussures qui me maintiennent bien les chevilles, je peux enchaîner quelques virages entre les arbres. Quand ceux-ci deviennent plus nombreux et la pente plus forte, j'assure en faisant des conversions. Il n'est pas question de se blesser ici !
En dix minutes je suis au fond du canyon. Je traverse la rivière en m'assurant avec le câble muni d'étriers qui fait usage de pont lorsque la rivière n'est pas prise.
 
 

 
Je dégage la porte de la "Turf Hut" et pénètre à l'intérieur, curieux de savoir s'il est possible d'y séjourner.

 
 

   
 
Elle est en bon état, il n'y a pas d'humidité. Une table et des bancs constituent le mobilier et la cheminée semble en état de fonctionner, même si elle doit refouler un peu.
 
 

 
Je m'accorde une pause le temps de boire une soupe et de manger quelques pâtes de coing.
J'en profite également pour lire et renseigner le cahier de bord dont le dernier message remonte au 20 octobre 2011 !
 
Il est préférable que je rejoigne le plateau avant la tombée de la nuit, je n'ai donc pas le temps d'explorer le fond du canyon, ce sera pour une prochaine fois...
 
 

Même si les escaliers m'aident beaucoup à remonter, j'y dépense pas mal de temps et d'énergie : avec de la neige jusqu'aux genoux, j'ai du mal à trouver les marches et entre chaque tronçon je dois rechausser les skis et monter "en escalier" ce qui est très délicat dans la profonde avec les talons libres.
Je ne me plains pas, au contraire j'y trouve un certain plaisir, c'est juste pour expliquer qu'il est quand même 18h30 lorsque je reprends une progression normale... Qui a dit masochiste ?

J'avais dit à Sylvie que je prévoyais un retour vers 19 heures et il me reste 12 km à effectuer ! Il est temps de lui envoyer un petit SMS pour modifier mon heure d'arrivée. Je connais la situation peu enviable de celui qui attend et souhaite donc la rassurer .
La nuit est tombée mais cela ne change pas grand chose car la visibilité était déjà très mauvaise. Pas d'arbre, pas d'étoile, peu de relief : impossible de tenir le cap sans boussole ou GPS. Je tente l'expérience de me concentrer et de ne pas le consulter durant cinq minutes. Résultat : j'ai dérivé de plus de 180° !
Je poursuis donc avec mes deux bâtons dans une main et le GPS dans l'autre. Sans lui ou sans la boussole que j'ai en secours, je suis comme un pilote d'avion dans les nuages sans horizon artificiel : je pars en vrille.
Mais quel plaisir, je suis au milieu de nulle part, il fait nuit et les conditions météo sont médiocres, pourtant je suis serein. Je me sens bien dans cet environnement, le seul danger vient de moi : la nature ne me tend aucun piège, elle positionne simplement quelques jalons afin que j'évalue mes facultés de discernement et de prise de décision.

Vingt heures quarante-cinq, je distingue la petite lueur du refuge. Encore cinquante mètres et je me mets les pieds sous la table, affamé, fatigué mais content de cette belle escapade...
 

Longueur escapade 30,9 Durée de l'étape 7h00 Durée hors pauses 5h30 Dénivelé positif +635
Altitude de départ 380 Altitude maxi 490 Altitude d'arrivée 380 Dénivelé négatif -635

 


 

    Dernière modification le 30/05/2012

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