Plan du site

Utilisation du site

Dernière mise à jour le 13.04.2025

Raid dans les Paistunturi
 

Dimanche 25 mars : Madjoki - Koahppelasjärvi (Carte)

Aujourd'hui, pour la première fois depuis le début de notre séjour en Finlande, nous allons être confrontés à un vent relativement fort.
Il balaye la neige et les traces de la reconnaissance d'hier sont déjà presque entièrement effacées.
Son intensité que je ne sais quantifier permet cependant d'envisager un départ du refuge, quitte à rebrousser chemin si d'aventure il forcissait exagérément.

Dans ces conditions, nos malamutes sont malheureusement une nouvelle fois difficiles à gérer. Sachant que Taïga, même lorsque les conditions sont faciles, ne sait pas ouvrir la trace, je tente de faire passer Ilou devant pour qu'il m'aide à tirer la pulka. Hélas, perturbé par le vent, il refuse d'avancer. Si je ne veux pas une nouvelle fois tirer seul la pulka, je n'ai pas d'autre solution que la composition suivante :

 
J'ouvre la trace sans pulka que je confie à Taïga placée en seconde position. Vient ensuite Ilouliak qui aide Sylvie dans sa progression.
 
 

   
 
Plus nous avançons, plus le vent s'intensifie donnant un caractère un peu extrême à l'étape. Heureusement, nous ne ressentons pas le froid ; le soleil qui reste présent maintient notre moral et nous invite à poursuivre.
 

Nous songeons aux différents récits d'aventuriers que nous avons lus. Ce que nous vivons n'est qu'un petit aperçu de ce qu'ils ont parfois subi durant des jours : vent nettement plus violent, froid et mauvaise visibilité.

Les contraintes de progression sont ici très différentes entre l'été et l'hiver. En ce moment pas besoin de contourner les lacs, les rivières et zones marécageuses : nous pouvons avancer au cap, d'autant plus qu'aujourd'hui la neige est bien portante. De temps en temps, notre chemin rejoint le balisage d'un trek estival mais c'est sans complexe que nous le délaissons lorsque l'itinéraire s'écarte de celui qui nous semble logique.

 
Pas angoissée mais pas totalement sereine, Sylvie se demande ce qu'elle fait là à suivre un imbécile qui se régale de ces conditions !
 
 

   
 
Enfin, lorsque vers midi, je lui dis qu'il serait temps de faire la pause repas, elle me regarde avec un air interrogatif. Il plaisante ou il est gravement atteint ? 
 

 
Avec ces conditions météo, elle n'envisageait pas le moins du monde un arrêt pique-nique.

Pour moi, c'est une nécessité tant physique que morale. Il n'est pas question de se laisser aller, de s'abandonner aux éléments. Je lui démontre donc qu'en choisissant une légère dépression de terrain, en tournant le dos au vent et en s'abritant à l'aide de la pulka la pause est parfaitement possible.
 
 

                   
 
Après cet arrêt qui a finalement duré quarante minutes, nous rechaussons les skis et poursuivons notre chemin en direction de Koahppelasjärvi.
 
Ilouliak et Sylvie ont pressenti que le but était là-bas au fond de la vallée, au niveau des arbres. Ils filent devant alors que j'ai repris la pulka avec Taïga qui peine maintenant à suivre le rythme.
   
 

                   
 
Nous y voilà. C'est le refuge le plus proche d'Utsjoki et de nombreuses traces de motoneige sont présentes aux alentours. Heureusement aucun vrombissement, enfin pour l'instant...
 

Sylvie a d'ailleurs à peine le temps d'allumer le poêle qu'une motoneige arrive. Jugeant les réserves de bois bien faibles à l'intérieur, j'étais pendant ce temps, parti scier et fendre quelques bûches...
Il est environ quinze heures, le gars se fait cuire une saucisse puis repart.
Arrivent ensuite trois adolescents. L'une des filles jette son sac à dos couvert de neige sur une des couchettes. Elle s'en est rendu compte mais s'en fiche éperdument. Ça les fait ricaner bêtement. Si nous avions été en France, je me serais permis de leur expliquer le savoir-vivre.
Ils se gavent de saucisses cuites dans les flammes et boivent leurs boissons gazeuses et sucrées.

En pleine nature et après une étape particulièrement dépaysante, nous sommes subitement rejoint par la civilisation. C'est crispant. 

Cela me fait une nouvelle fois penser à ce qu'a écrit Sylvain Tesson dans sa cabane en Sibérie : " La partition du recours aux forêts ne peut se jouer qu'à un nombre réduit d'interprètes. ... Lorsque les foules gagnent les forêts c'est pour les abattre à la hache. La vie dans les bois n'est pas une solution aux problèmes écologiques. Le phénomène contient son contre-principe. Les masses, gagnant les futaies, y importeraient les maux qu'elles prétendaient fuir en quittant la ville. On n'en sort pas. "

Le mieux est de les ignorer tout comme ils nous ignorent... A leur départ, ils ne nous adressent même pas un regard...
Nous réalisons que nous sommes dimanche et craignons que ce soit le défilé mais heureusement il n'en viendra pas d'autres.

Le vent s'est renforcé et les chiens attachés dehors se protègent comme ils peuvent de la neige qui vole.
 
 

                   
 
Nous ne devrions pas, mais nous avons pitié et décidons de les faire rentrer un peu.
 
 

                   
 
Ce sont des chiens nordiques mais habitués à vivre dans le sud de la France !
 
Pour quitter le refuge et rejoindre Utsjoki, le plus court est de sortir du vallon par l'est en passant entre de nombreux gros blocs. Les motoneiges semblent faire un long détour que j'aimerais éviter.
 
 

 
Je me rééquipe et pars en reconnaissance.
Après de nombreux tâtonnements, je pense avoir trouvé un cheminement réalisable avec la pulka et débouche en zone découverte.
J'ai énormément de mal à progresser face au vent et doit faire très attention pour ne pas être déséquilibré. Ce qui est paradoxale, c'est que la visibilité reste excellente : le ciel est d'un bleu presque limpide et la neige qui est balayée ne s'élève pas à plus de trente centimètres du sol.
 
 
 

Il ne reste plus qu'à espérer que le vent ne va pas empirer d'ici demain...
 

Dernière modification le 11/06/2012