Hossa du 2 au 6 mars 2012
Vendredi 2 mars
Partis sous une pluie battante de Punkaharju avec une température nettement supérieure à zéro, nous sommes quelque peu inquiets pour la suite du séjour. Et si le printemps et la débâcle avaient plus d'un mois d'avance ? Les lacs et les rivières seront-ils praticables à ski ?
Arrivés à hauteur de Kajaani, le ciel se dégage enfin rendant aux paysages les couleurs et reflets qui nous enchantent.
Une petite pause devant l'office du tourisme de Suomussalmi, histoire de choper le wifi pour mettre à jour le site et lire nos mails. Nous sommes dans le paradoxe : d'un côté nous désirons nous couper du monde pour vivre des moments simples et authentiques, et d'un autre, grâce au modernisme avoir le plaisir de lire vos messages et partager ce que nous vivons...
A la réflexion, il n'y a peut-être rien de paradoxale puisque le bonheur se niche vraisemblablement entre le civilisé et le sauvage...
Retrouver une vie simple sans renoncer aux réels bienfaits de la modernité; grâce à elle, nous allons rapidement parcourir les soixante-dix derniers kilomètres qui nous séparent encore du point de départ de notre premier raid.
Nous avons choisi de retourner dans la "National hiking area de Hossa". C'est un espace idéal pour prendre ses repères et se mettre en jambes.
Il est 17 heures lorsque nous abandonnons notre voiture pour la remplacer par un moyen de transport, certes moins rapide mais plus écologique. Notre pulka est chargée pour quatre jours d'autonomie et c'est Ilouliak que je choisi pour m'aider à la tracter. Pour mon grand plaisir, il est motivé et va bon train.
Je ne suis pas long à remarquer les empreintes de ses nombreux congénères.
"Aller mon petit loup, c'est bien, tu vas les rattraper ! "
A peine vingt minutes pour parcourir les deux kilomètres nous séparant du premier refuge. Une trentaine de chiens se réveillent à notre approche. "Stop Ilou".
Mieux vaut prévenir que guérir, nous attachons nos chiens et allons sans eux à la rencontre des mushers, certainement Français puisque plusieurs agences de voyages de l'hexagone proposent des séjours multi-activités à Hossa.
En plein dans le mille, tous Français !
Un couple de clients est même de Ventabren (20 km de chez nous !)
Nous pourrions poursuivre jusqu'au refuge suivant distant de trois kilomètres mais il reste de la place et nous ne sommes pas des sauvages... Enfin, moi un peu quand-même puisqu'après le repas pris en commun autour du feu, j'installe mon bivouac sous les étoiles.
La température est douce (quelques degrés sous zéro), c'est donc à mains nues que je peux tourner les pages du livre de Sylvain Tesson "Dans les forêts de Sibérie". On me l'a offert pour Noël et j'ai pensé qu'il aurait encore plus de saveur si je l'entamais en Finlande. Dès les premières pages, je jubile. J'adhère à sa philosophie et à sa vision du monde. J'admire son écriture : il transcrit à merveille ce que je pense et ressent mais que je suis incapable d'exprimer ou de coucher sur le papier. Je vais donc me permettre de le citer régulièrement.
Par exemple, pour revenir sur la notion d'équilibre dont je parlais plus haut :
"L'essentiel est de mener sa vie à coups de gouvernail. De passer la ligne de crête entre des mondes contrastés. De balancer entre le plaisir et le danger, le froid de l'hiver russe et la chaleur du poêle. Ne pas s'installer, toujours osciller de l'une à l'autre extrémité du spectre des sensations."
Samedi 3 mars : Lavajarvi - Ala Valkeinen
Au petit matin, la nature me récompense d'un magnifique lever de soleil à l'horizon du lac.
Il fait -10°, je le contemple égoïstement allongé et bien au chaud dans mon duvet.
Non, vous n'aurez pas de photo, l'appareil étant paresseusement resté dans le refuge avec Sylvie.
La journée s'annonce magnifique, la température qui était positive depuis plusieurs jours est enfin redescendue.
Le guide me met cependant en garde à propos de l'état de la glace. Il m'indique sur la carte les passages les plus "craignos". Lui ne prendra pas le risque avec ses clients et modifiera son itinéraire initialement prévu.
Avec peu de chiens (même si ce sont de gros Malamutes), les skis et la petite pulka, nous devrions avoir la chance de passer sans encombre. J'ai peu d'expérience dans ce domaine, mais la seule façon d'en acquérir est bien d'affronter le danger !
Je recommande à Sylvie de laisser une bonne distance entre nous deux. Taïga ne l'entend pas ainsi et tire comme une forcenée pour ne pas se faire distancer par Ilouliak.
Sylvie s'épuise à la retenir sans succès : la distance de sécurité est de cinquante centimètres !!!
Je prends les deux chiens qui ont une pêche d'enfer. Motivés par une trace de renne ou d'élan, ils me gratifient d'un beau galop durant cinq cents mètres. A mon grand regret, je dois les stopper pour ne pas trop distancer Sylvie et avoir une chance de l'aider en cas de mésaventure.
Je surveille attentivement les pattes des loulous qui à de rares mais stressantes occurrences rencontrent l'eau. La proximité de la berge me rassure mais peut-être est-ce illusoire !
Nous n'avons pas chômé et faisons la pause repas à seulement deux kilomètres du refuge où nous comptons passer la nuit.
Sylvie serait pour y aller directement et en profiter pour se reposer, dessiner et lire.
Je la comprends mais mon besoin d'acide lactique et la soif de parcourir la nature l'emportent : je négocie une petite rallonge de quatre kilomètres.
La cabane est en vue, je lance un "aller les chiens à la maison" histoire de profiter d'un nouveau petit galop !!!
Le refuge est confortable et dispose d'une belle fenêtre dont Sylvain Tesson décrit l'usage de la façon suivante : "Inviter la beauté à entrer et laisser l'inspiration sortir."
Dimanche 4 mars : Ala Valkeinen - Laukkujarvi
Nous étions seuls dans cette hutte : j'ai tenu chaud à ma belle...
Ce matin, la température est de -15°, le ciel est d'un bleu limpide.
Nous alternons passages en forêt et jolis petits lacs. L'île sur celui-ci me conviendrait fort bien pour un bivouac sous les étoiles
Les chiens ne rechignent pas à l'ouvrage, pourvu que ça dure...
Quelques montagnes russes mettent du piment à l'étape. L'allonge de Taïga au galop dans les descentes est impressionnante.
Repas de midi dans un petit coin sympa à proximité des peintures de Varikalo. Nous y étions déjà venus l'an passé. Aujourd'hui, nous varions l'itinéraire et découvrons un passage magnifique.
Ensuite, pour faciliter notre progression, nous empruntons une piste officielle pour les motoneiges. J'avais pris des renseignements et on m'avait affirmé qu'il n'y avait pas de danger à l'emprunter : relativement peu fréquentée et utilisateurs très courtois dans la région.
Ces dires se sont confirmés : nous croisons une seule motoneige qui se range sur le côté et stoppe le moteur dès qu'elle nous aperçoit, pour ne repartir qu'après notre passage.
Pour terminer l'étape et rallier le refuge, nous tirons un cap et faisons notre trace dans la poudre. Ce n'est pas la tasse de thé des chiens : impossible de les faire passer devant.
Le refuge de Laukkujarvi est très sommaire : pas de table et une toute petite fenêtre... D'où un résumé de l'étape moins fourni que le précédent !
Lundi 5 mars : Laukkujarvi - Kukkuri
Aujourd'hui, nous souhaitons réaliser une grande étape pour nous rapprocher au mieux de notre point de sortie.
Sylvie et les chiens sont en forme, nous progressons à bonne allure tout en profitant des paysages qui s'offrent à nous. Le soleil joue à cache-cache avec les nuages et cela crée une atmosphère toute particulière.
Le givre apporte également sa touche féerique.
Nous pique-niquons à proximité d'une fuste où je passerais bien une année sabbatique...
Les trois derniers kilomètres de cette étape qui en fait vingt-deux est vierge de trace.
Une nouvelle fois dans la poudre, les chiens se placent derrière la pulka.
Nous arrivons au refuge de Kukkuri où un couple de Finlandais est déjà installé. Leur accueil est sympathique et une conversation fournie s'engage rapidement en anglais.
Ils ont un équipement très complet y compris pour préparer la cuisine. Ils nous proposent de partager avec eux un plat typique à base de renne (sauce au vin, baies, et autres condiments). Heureusement il nous restait encore du vin de noix que nous avons pu déguster ensemble.
Cette soirée conviviale efface l'image du Finlandais froid et réservé.
Dernière modification le 07/03/2012