Raid Urho Kekkonen 2024
Mardi 27 février : Hammaskuru – Tahvontupa
Comme prévu le temps est encore très doux (+2°) et très couvert. Cela m'enchante donc encore moins de refaire le même chemin qu'il y a 3 jours, même si c’est en sens inverse !
J'essaie de vendre à Sylvie l'option qui m'attire le plus et qui passe par des vallées étroites.
J'explique que cette option réduit la distance de 2 km soit 15% ! Comme tout bon commercial je passe sous silence les inconvénients, c'est à dire le fait qu’en durée, cela risque d’être plus long car plus difficile...
Nous avons dû renoncer aux belles étapes dans les tunturis à cause de la météo et de ma fixe. Si l'on veut garder de bons souvenirs de ce raid 2024 c'est le moment ou jamais de faire une étape aventureuse.
Nous débutons l’étape en suivant nos anciennes traces puis après avoir pris un peu d'altitude je m’en écarte pour tester la portance de la neige. Je constate avec satisfaction que ce n’est guère pire.
La négociation a été serrée mais là, sur le terrain, j'emporte le marché : Sylvie accepte, pour moi, de tenter l’aventure en directions des vallons.
Tout de suite, c'est un régal pour moi, j'adore ouvrir dans la neige vierge, lire les aspérités, repérer les obstacles proches et lointains et définir quelle est la meilleure trajectoire pour rejoindre le point que je me suis fixé. Même à vitesse très lente, les sensations correspondent à du pilotage.
Nous atteignons ainsi notre premier vallon qui n’est pas trop étroit ; la progression n'y est pas plus compliquée que ça et cela rassure Sylvie.
Ce n'est pas gagné pour autant car après chaque virage, on peut découvrir de grosses difficultés.
J'ai poussé Sylvie à passer par ici et ne voudrait pas que ça devienne une galère pour elle !
Le second vallon est un peu plus profond mais plus large au fond.
Nous progressons toujours lentement mais de façon assurée et agréable pour nous deux.
Avant d'aborder le dernier vallon qui, sur la carte est le plus profond et le plus long, nous prenons notre déjeuner.
Au moment de repartir je dis à Sylvie :
-"C’est maintenant le moment d'attaquer le canyon de la mort qui tue."
Je suis très serein et elle le sait car j'ai déjà parcouru cette section de nuit mais sans pulka, lors d'une reco en 2014, suite à une courte étape.
Peu après notre départ, je remarque des traces sur l'autre côté de la rivière et fait remarquer à Sylvie que je ne suis donc pas le seul cinglé à m’aventurer là-dedans avec une pulka.
Dès que possible nous traversons le ruisseau pour rejoindre ces traces que j'analyse mieux que des traces d’animaux. Les skis sont longs, les traces de bâtons avec de grosses rondelles sont uniques : il s’agit probablement d’un finlandais dont la pulka est étroite. Il semble plus léger et probablement moins chargé que nous car sa portance est meilleure que la mienne (à plusieurs reprises, même dans ses traces, je m'enfonce de 20 cm).
Quelques traversées de ruisseau demandent de l'attention et quelques efforts : c'est ce qui fait le charme de cette activité, avec aujourd'hui un peu plus d'engagement.
Il faut déjà se présenter précautionneusement sur le pont de neige pour ne pas l'écrouler.
Attaquer calmement la remontée pour ne pas que la pulka se tanque trop violemment et l'écroule.
Cette fois, il faut s'arcbouter et mettre les watts pour sortir la pulka de là, sachant qu'avec la profondeur de neige on ne peut pas monter en "canard".
Je continue à suivre et observer les traces de notre prédécesseur. J'ai l'impression que sa pulka verse plus fréquemment que la mienne dans les dévers. Mon équipière à le rôle de la redresser ce qui fait gagner un temps et une énergie considérable. Etant solitaire, il doit à chaque fois se détacher, reculer, la redresser et rattacher la pulka avant de pouvoir reprendre sa progression.
Quelques temps après, il rentre dans mon champ de vision alors que le canyon se rétrécit et que la pente s'accentue.
Il prend alors l'option de sortir du canyon au prix de gros efforts.
Je sais qu’il faudra descendre pour rejoindre la Jaurujoki dans laquelle se jette le ruisseau que nous suivons ; cela ne me parait donc pas judicieux de monter. Mais d'un autre côté ça fait dix ans que je suis passé là et les choses ont pu changer.
Il est encore trop loin pour que nous dialoguons et que je lui demande s’il connaît bien le coin ou s’il le fait au feeling. Je tergiverse un peu et prend finalement une option intermédiaire entre sa trace et le fond du canyon. Ainsi, nous nous retrouvons devant lui et l’attendons pour qu’il nous rejoigne. Une fois les salutations faites, je peux confirmer qu’il est bien finlandais.
Il ajoute que c'est la première et la dernière fois qu'il utilise une pulka : elle est très longue et très étroite mais je crois que ce sont surtout ses brancards trop longs et trop souples au niveau de la jonction avec la pulka qui le handicapent. C'est la première fois qu'il passe là en hiver et il a suivi l'itinéraire d'été qui se trouve sur sa carte !
Nous poursuivons notre progression à trois mais comme nous ne sommes pas restés dans le lit du canyon, il est maintenant difficile de le rejoindre.
Notre progression est lente, ceci d'autant plus que je passe un peu de temps à l'aider à franchir certains obstacles ou à partir en reconnaissance ; mais c’est la moindre des choses que d’aider quelqu’un qui est en galère ! Avec nos skis plus courts et l'expérience des terrains accidentés, nous sommes nettement plus agiles que lui.
Nous voyons maintenant la Jaurujoki et la piste qui mène aux refuges une quarantaine de mètres plus bas et cette fois, nous n’avons d’autre choix que de nous jeter dans la pente parsemée de quelques jolis blocs de granit bleu.
![]() Tu dois passer derrière moi juste dans mes traces |
![]() Voilà ! Tu n'en fais qu'à ta tête et maintenant tu me demande de l'aide pour te redresser |
Nous rejoignons finalement la piste de motoneige sans dommage et dix minutes plus tard, nous arrivons au pied du refuge de Siulanruoktu.
Notre nouvel ami finlandais décide d'y faire une pause pour manger quitte à rejoindre Tahvontupa de nuit. Je propose à Sylvie d’en faire de même, mais comme toujours lorsqu’elle est fatiguée, elle préfère continuer pour en finir au plus vite.
L’ami finlandais nous rejoindra au refuge et comme celui-ci est pourvu d’un sauna, il me demande si je veux bien le mettre en chauffe à notre arrivée.
Il y a deux façons d'interpréter cette requête mais de la part d’un finlandais pour qui le sauna est une institution, j’y vois de la confiance et de la gratitude.
Nous parcourons les quatre kilomètres et demi en moins d’une heure et arrivons de jour.
Sylvie s’affaire à allumer le poêle pendant que je fais un thé et organise nos affaires de façon à laisser de la place à notre ami dans ce petit refuge.
Je me dirige ensuite vers le sauna pour honorer la mission qui m'a été confiée !!!
Je connaîs ce type de poêle et sait qu’il faut laisser le tiroir à cendres entre-ouvert pour le démarrage mais malgré tout, je dois batailler pour faire prendre le feu.
Je monte ensuite à la cabane à bois qui est encore à "l’ancienne" avec des buche de 1m20 qu'il faut scier et fendre. Maintenant, le bois est conditionné dans des filets, coupé en 30 cm et fendu. Je trouve dommage cette évolution et suis heureux de retrouver cette tradition.
Pendant que je stocke le bois et alimente le poêle, le finlandais arrive, en teeshirt, frontale sur la tête (il est vrai qu’il doit faire 1 ou 2°). Il est ravi que j’aie allumé le sauna et sans aller poser ses affaires au refuge, il se met à l’œuvre pour aller chercher de l’eau et allumer le second poêle qui fait office de chauffe-eau.
Le sauna est traditionnel en Finlande, c’est un lieu pour se reposer et discuter, ce que nous faisons durant un long moment. Sylvie sortira la première puis viendra mon tour.
Nous avons fini notre repas et j’attaque maintenant la consolidation de la fixation. Le finlandais est toujours dans le sauna et nous nous demandons s’il ne va pas y dormir !!!
Pour ma part, je m'endors en repensant à cette belle étape qui restera dans ma mémoire (pour preuve la longueur du texte !).
Longueur étape
14
Durée de l'étape
8h05
Durée hors pauses
6h00
Dénivelé positif
85 Altitude de départ
325
Altitude maxi
380
Altitude d'arrivée
205
Dénivelé négatif
205
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Dernière modification le 12/05/2024 |