Voyage en Laponie Finlandaise

Raid solo en Laponie
 

Mercredi 29 mars : Morgamoja - Oahujoki (Carte)

Mon compagnon de nuitée a pas mal ronflé et avait un matelas bruyant. Malgré tout, je me sens assez bien reposé et en forme.
Nous profitons du petit déjeuner pour discuter et il me demande alors quels sont mes pronostics pour notre prochaine élection présidentielle (nous sommes fin mars 2017).
- "Je n'en sais rien, cela fait un moment que je suis déconnecté de l'info et même avant mon départ, je pensais plus à la préparation de mon raid qu'aux élections. De toute façon, ceux pour qui je serais tenté de voter ne font pas partie des favoris. Il est peu probable que les Français se réveillent et pensent d'avantage à l'écologie qu'à leur porte-monnaie..."
Avoir le point de vue d'un étranger et savoir ce qu'il en est dans son pays aurait été très intéressant mais mon anglais trop limité m'oblige à rester très superficiel.
Il connaît trois de nos candidats (Macron, Fillon, Le Pen) et me dit qu'eux aussi ont l'équivalent au FN. Cela ne semble pas le réjouir : ouf ! Ça aurait vite fait de plomber l'ambiance.

Je suis prêt le premier et quitte le refuge vers neuf heures.
Cela me fait tout drôle de retrouver un balisage et une trace presque parfaite. Normal : je suis dans le cœur du parc.
Mais l'aventure me manque rapidement. Alors, je profite d'une pancarte indiquant "Premier lieu de recherche d'or" pour quitter la piste et m'engager dans une descente assez raide et non tracée.
Finalement, je galère et ne trouverai jamais le site qui ne doit être visible que l'été.
 

 
Je finis par rejoindre Kultasatama qui est manifestement un camp de chercheur d'or prisé en été : de nombreux quads et remorques y sont remisées sous des bâches.
 

   
Je fais un rapide tour des équipements, lis quelques affiches sur l'orpaillage puis regagne la rivière. Pour info : le petit refuge ne comporte que cinq places et la kota sent énormément la fumée.
 

Je vais aborder le dernier tiers de ce raid et il me faut ici choisir une option d'itinéraire.
Faire du plat balisé et tracé dans le fond de ce canyon sera facile mais risque vite de m'ennuyer. De plus, le prochain refuge n'est qu'à six kilomètres, il est gros (17 places), donc certainement pas très cosy et long à chauffer.
L'autre option consiste à grimper vers Oahujoki. C'est de là que mon compagnon de nuitée est venu mais il m'a averti que la descente était longue et raide, émettant de gros doutes sur la possibilité de la parcourir en sens inverse avec ma pulka.

C'est vrai que le début de l'obstacle est impressionnant mais c'est un beau challenge et cela me conduirait directement en haut de la grosse boule blanche aperçue hier.
Bourrin tu es né. Bourrin tu resteras ! 
Le départ est effectivement très dur. Mais quand la motivation est là, on a parfois l'impression que rien ne peut nous résister. C'est mon cas aujourd'hui.
 

Je grignote mètres après mètres et me dit qu'au bout du compte, cette côte, je préfère la monter que la descendre. Ma tactique est simple : envoyer les watts quand nécessaire (presque tout le temps) et relâcher dès que possible (presque jamais) en regardant au loin pour repérer la meilleure trajectoire.
Trente minutes à en baver pour seulement gravir cinquante mètres, je vous l'accorde ce n'est pas terrible ! 
Il me reste encore quatre cents mètres de dénivelé mais j'irai en haut.
Les lignes de cote de la carte le disent : le plus dur est derrière moi.
 
Je regarde régulièrement mon altimètre. Cela me permet de reprendre ma respiration et de vérifier que je tiens mon objectif : moins d'une heure aux cent mètres !
Tenu pour les premiers (50mn), pulvérisé pour les seconds (30mn), je ne vous parle pas des troisièmes... (22 mn) ; il est vrai après la pause repas.
 
Lorsque enfin je sors de la forêt, je tombe nez à nez avec des rennes surpris de me voir :
-"Ben d'où y sort lui ?"
-"Il a du transpirer pour arriver là ; ça sent l'homme."
 

   
Je ne suis pas encore au sommet mais déjà je distingue l'étendue du canyon que j'aurais pu parcourir. Aucun regret d'avoir choisi cette option.
 

   
Encore quelques beaux spécimens.
 

   
Puis enfin le sommet : vue à 360°, présence de rennes. J'avoue que ce fut assez dur mais cela en valait la peine.

Avant de poursuivre mon itinérance, je profite d'avoir du réseau pour appeler Sylvie et m'amuse du décalage temporel que je ressens à l'annonce de ses activités printanières : elle jardine, se demande si d'ici quelques jours elle ne devra pas passer la tondeuse, écoute le chant des oiseaux, récolte de la sève de bouleau (dépuratif et diurétique). Pour moi, c'est encore l'hiver et cela fait quelques temps que je n'ai pas vu un brin d'herbe...

Il est quatorze heures trente et il me reste environ huit kilomètres pour rejoindre le prochain refuge. J'imagine que cela se fera rapidement et sans difficulté puisque tout en descente. Mais rapidement je déchante : cette face vraisemblablement exposée au vent m'oblige à éviter de nombreux blocs de glace. Les rennes pour s'en abriter ont creusé de gros trous dans la neige constituant des obstacles supplémentaires. De plus, pour éviter de remonter sur de petits monticules, j'ai choisi de les contourner ; cette option me faisant skier en dévers réveille mes douleurs au pied et dans le tibia droit.
 

Pour couronner le tout, cette descente que j'imaginais jusqu'au refuge s'est transformée en faux plat descendant puis en plat, m'obligeant à nouveau à pousser sur les bâtons...
J'ai alors subitement ressenti un gros coup de fatigue.
-"Normal mon gars, tu n'as plus vingt ans alors tu payes cash les efforts de ce matin".
Heureusement, avec ces paysages et ce beau ciel bleu, le moral est resté intact.
 

   
Je suis simplement passé en mode "low batterie" c'est à dire lenteur et économie maxi à chaque pas pour ne pas endommager d'avantage mes muscles et tendons.
 
Arrivé au refuge à pratiquement dix huit heures, bien que seul, je me suis obligé à laver sous-vêtement et bonhomme qui sentaient bien le coyote. Je me suis ensuite accordé un peu de temps pour lire, écrire et ne rien faire, reportant à demain ma réflexion devant les cartes pour la suite du programme.
 

Longueur étape 19,8 Durée de l'étape 8h20 Durée hors pauses 5h55 Dénivelé positif +480
Altitude de départ 335 Altitude maxi 600 Altitude d'arrivée 310 Dénivelé négatif -505

 


 

    Dernière modification le 10/02/2018

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